Paris, le 25 août 2010 - Bien que la forêt française soit l'une des toutes premières d'Europe en volume sur pied, on observe, dans notre pays, une très forte chute de la production de sciage de bois entre 2006 et 2009 (-10,5% toutes essences confondues) alors que les importations ne se sont jamais si bien portées ... Elles ont augmenté, sur cette même période, de +20,2% ... Un paradoxe qui profite particulièrement aux scieurs situés dans les pays limitrophes à la France, ces derniers surfant sur la vague du développement du bois dans notre pays ...
La crise affecte toute la filière bois européenne
L’ensemble de la filière bois européenne a particulièrement souffert au cours des deux dernières années à la suite des effets provoqués par la crise économique majeure que rencontre la planète.
La production des scieries européennes a chuté considérablement au cours des deux précédentes années, même si 2010 semble marquer un renouveau. La France, qui fin 2006 retrouvait un niveau de production proche des 10 millions de m3, semblable à celui observé en 1998, année de pleine croissance, plonge à nouveau en dessous des 8 millions de m3 de sciages produits soit un recul de plus de 10,43% (- 1 042 193 m3 entre 2006 et 2009).
Notre pays n’a pas connu pareille situation depuis le début des années quatre vingt enregistrant alors son niveau de production le plus bas avec seulement 9 005 000 m3 de bois sciés en 1983.
Cette diminution récente de la production s’enregistre à tous les niveaux de la filière quelque soit la taille ou la spécificité des scieries. Le recul est cependant beaucoup plus vertigineux concernant la filière feuillue dont la production chute de plus de 35,65% entre 2006 et 2009, comparée à la filière des sciages de conifères qui ne régresse seulement que de 4,34%.
La consommation de résineux a toujours été plus soutenue. Les politiques publiques menées en ce début de XXIe siècle en faveur du développement de l’utilisation du bois dans la construction, ont facilité son expansion. Les professionnels, charpentiers, constructeurs, menuisiers… se sont vus contraints à importer toujours plus de bois sciés depuis l’Europe pour faire face aux manques d’un pays mal préparé à la valorisation de son potentiel forestier, l’héritage de l’après guerre (les importations de bois sciés progressent de plus de 60% de 1999 à 2009).
Le recul de production des scieries françaises entre 2006 et 2009 traduit-il pour autant une régression significative de la consommation de bois dans notre pays ?
L’analyse détaillée des données statistiques disponibles (aux Nations Unies) tendrait à prouver le contraire. La consommation de bois en France, loin de stagner, continuerait à progresser de 2006 à 2009. La mesure des entrées et sorties de bois sciés démontrerait une progression de 2,24%, les sciages conifères enregistreraient même une augmentation de 5,70%. Seuls les sciages non conifères feraient les frais de la crise avec un recul d’un peu plus 15% entre 2006 et 2009.
La courbe des importations de bois sciés n’a, en fait, pas suivi celle de la production des sciages en nette recul. La France entre 2006 et 2009 a augmenté la part des bois sciés provenant de l’étranger d’environ 20% (+ 807 670 m3) tandis qu’au cours de la même période ses exportations régressait d’un tiers (-32,89%).
Notre pays durant cette période n’a pourtant pas diminué sa récolte de bois. Le volume des bois récoltés - pour se limiter à la seule catégorie des grumes conifères de sciages et placage - a progressé de plus de 1 million de m3 ( 1 138 195 m 3 soit 8,48%).
Une baisse générale de la production des sciages, conjuguée à une augmentation de la récolte des bois ronds, conduisent inéluctablement vers un accroissement du volume des importations de bois sciés depuis l’Europe. C’est le constat qui impose à la lecture des données statistiques officielles publiées.
D'une certaine manière, la bonne tenue des importations françaises de bois au cours des trois dernières années, a contribué à maintenir le niveau d’activité de l’Allemagne, le premier fournisseur de la France en sciages de conifères . Notre voisin d’outre Rhin, malgré un effondrement de son activité, continue à envoyer à la France des volumes de bois significatifs (1,4 million de m3 en 2007, l’équivalent de 4 à 5 unités de sciages de dimension européenne).
Si les importations de sciages en provenance de l’Europe du Nord trouvent leur légitimité du fait de bois aux caractéristiques techniques recherchées liées à leur aire géographique de croissance, les similitudes climatiques observées entre l’Allemagne et la France laissent à penser que les importations de bois résineux en provenance de ce pays pourraient être réduites.
Conjurer le paradoxe : La France et ses autorités doivent favoriser l'émergence de pôles industriels de sciage
Si la France à la sortie de la crise économique, veut relever le défi que lui lance sa filière bois, il convient que notre pays se dote de puissants outils de transformation pensés à l’image des grands complexes bois européens. Cette dimension prend la forme de pôles bois intégrés mélangeant production de sciages et d’énergie, capables de répondre aux besoins et aux attentes des filières avales de transformation.
De tels projets se dessinent sur le territoire national au sein de l’espace rural à l’image de ceux gravitant autour du Grand Massif Central incluant le Morvan dont l’actualité récente, liée aux perspectives de valorisation du douglas, a souligné l’attractivité.
Ils donnent à la France la possibilité d’impulser une politique d’aménagement du territoire fondée sur la redynamisation de pans entiers de l’espace rural sur un axe qui se développerait de Nancy à Bordeaux et que l’on pourrait définir comme la « diagonale des scieries » puisqu'elle concentre l'essentiel des ressources forestières à venir.
De tels complexes permettent également à la France d’envisager un redressement de sa balance commerciale, par une réduction significative de ses importations de bois sciés du fait d'une meilleure valorisation de sa récolte de bois rond.
Sources : FAOSTAT | © OAA Division de la Statistique 2010 | 19 août 2010